On parle souvent de massage pour soulager la douleur, mais rarement de douleur ressentie lors d’un massage. Pourtant, cette douleur peut être bien réelle. Est-il normal de la ressentir? Comment et quand en faire part au thérapeute sans nuire à la qualité du soin? Quel est le rôle du thérapeute dans la prévention et la gestion de cette douleur? Tour d’horizon sur le sujet et point de vue de deux massothérapeutes d’expérience.
Prévention et gestion de la douleur : un « travail d’équipe »
Que vous viviez ou non une condition de santé douloureuse, le ou la massothérapeute prévient et gère la douleur à différentes étapes du soin, en concertation avec vous. Pour en parler, la FQM a rencontré deux massothérapeutes d’expérience.
Marie-Ève Letarte est massothérapeute agréée certifiée et kinésithérapeute agréée certifiée. Elle possède plus de 20 ans d’expérience. Elle pratique, à Montréal, auprès de personnes souffrant de différents types de douleurs, les techniques suivantes : shiatsu, massage suédois, massage sur chaise, drainage lymphatique manuel et massokinésithérapie. La philosophie du « no pain, no gain » n’est pas sienne : elle qualifie son bureau de « zone de non-douleur ».
Sylvie Verroeulst est massothérapeute agréée certifiée au Centre l’Attitude, à Québec. Elle pratique les massages Amma, suédois, californien, sportif et Tui Na. Elle enseigne la massothérapie depuis 15 ans. Selon elle, seule la « sweet pain » (douleur douce) est acceptable, sensibilité et douleur sont deux ressentis différents, et le bien-être doit être le maître mot.
Nous avons abordé, pas à pas, quand et comment l’information sur la douleur est partagée et gérée pendant un soin de massothérapie, et pourquoi il est important d’informer votre thérapeute si vous ressentez de la douleur pendant la séance. Leurs propos sont émaillés de références à des billets de la FQM et de l’American Massage Therapy Association (AMTA).
Avant le soin
Questionnaire de santé
Bien bâtir et utiliser le questionnaire s’avère essentiel : cet outil permet au massothérapeute de bien connaître votre historique, de vous poser des questions précises, d’être à l’écoute, de prendre de bonnes notes, d’effectuer un suivi systématique et de baliser vos attentes. Le schéma corporel qui figure dans le questionnaire de la FQM permet de représenter les zones de tension ou de douleur que vous indiquez ou quantifiez sur une échelle de 1 à 10.
Plan de soin, choix de la technique et des manœuvres
En fonction de vos réponses, le ou la thérapeute vous propose une technique, indique que celle-ci peut être adaptée en tout temps et valide le tout avec vous, faisant ainsi diminuer vos éventuelles appréhensions. Si la technique retenue est énergétique, comme le Tui Na, Sylvie Verroeulst explique qu’il est normal de se sentir surpris, saisi, lors du toucher des points. En outre, le ou la thérapeute vous précise que le canal de communication reste ouvert tout au long du massage, et que vous ne devez pas hésiter à l’utiliser.
Pendant le soin
Pression et progression
Lors d’un soin de massothérapie, la douleur à la pression, la sensation de froid ou l’inconfort du positionnement sur la table de massage provoquent une crispation faisant barrière aux bienfaits potentiels. Un bon thérapeute est à l’écoute de votre rétroaction, de la réponse de vos tissus et des signes d’inconfort : confort et bien-être sont en effet gages d’un soin gagnant. Il vous pose des questions permettant de vérifier l’adéquation de la pression exercée, et vous invite à bien respirer tout au long du massage.
La progression a lieu d’un massage à l’autre et lors d’un même soin. Le corps doit être préparé à des manœuvres plus profondes : il y a donc progression dans le choix de ces manœuvres et dans la pression exercée, afin de respecter les couches musculaires tout en cheminant de la périphérie vers le centre de la douleur. L’inconfort ponctuel n’est acceptable que s’il aboutit au soulagement : ce que les clients appellent « un mal qui fait du bien ».
Même si vous avez un seuil très élevé à la douleur et trouvez que le massage n’est jamais assez profond, le thérapeute doit respecter des limites afin d’éviter les blessures : le soulagement recherché n’est en effet proportionnel ni à la douleur ressentie ni à la profondeur des manœuvres.
Tous les sens à l’écoute
L’AMTA recommande aux massothérapeutes d’utiliser non seulement l’ouïe, mais aussi la vue, le toucher et l’intuition pour mieux être à l’écoute de vos besoins et de l’expression de la douleur, cette dernière pouvant être exprimée en mots, en images, par la réaction de vos tissus ou votre expression non verbale. Selon Sylvie Verroeulst, 6 à 12 mois sont nécessaires à un nouveau massothérapeute pour arrimer technique et ressenti.
Après le soin
Retour sur le soin
Au terme du massage, le thérapeute fait le point avec vous : le soin a-t-il répondu à vos attentes? Votre douleur a-t-elle diminué? En ressentez-vous actuellement? Repenser à un moment serein du massage si la douleur revient peut faire partie des conseils prodigués, précise Marie-Ève Letarte.
Frontières du champ de compétence
Dans un billet, la FQM indiquait que le ou la thérapeute « doit connaître les frontières de son champ de compétence […] et savoir quand cesser les soins auprès d’une personne chez qui la douleur persiste, ou quand passer le relais à un autre professionnel de la santé afin de favoriser le bien-être du client ».
Rendez-vous suivant
Nos deux expertes relisent leurs notes relatives à la séance précédente afin de poser les bonnes questions de suivi et d’adapter le soin en continu. Cette pratique est également recommandée par l’AMTA.
Pour être efficaces et sécuritaires, les soins de massothérapie doivent être adaptés à votre condition et à vos besoins, et être prodigués par un massothérapeute compétent et bien formé. Pour un massage de qualité, choisissez un massothérapeute agréé ou une massothérapeute agréée!
Des conditions de santé associées à la douleur
Les personnes qui éprouvent de la douleur ne veulent qu’une chose : ne plus avoir mal. Or, ainsi que l’indiquait un billet de la FQM, un massage agit en modulant l’action du système nerveux afin de court-circuiter les signaux de douleur.
Cependant, certaines conditions de santé constituent un terrain propice à la douleur : c’est le cas de la fibromyalgie, ou encore du lupus. L’AMTA indique que ces clients peuvent avoir vraiment besoin d’un massage, mais ne sont pas en mesure de tolérer de longues séances. En outre, une revue systématique publiée en 2021 conclut à l’efficacité de la thérapie myofasciale et du drainage lymphatique pour les personnes atteintes de fibromyalgie [1].
Par ailleurs, il existe une gradation non seulement de la douleur elle-même, mais également du ressenti. Ainsi, on parle de sensibilité lorsque la douleur est perçue à la palpation de points sensibles, d’allodynie lorsqu’il y a diminution du seuil de la douleur, et d’hyperalgésie dans le cas d’une sensibilité anormalement élevée en présence d’un stimulus qui n’est pas censé produire de douleur [2].
Pour certaines affections telles que le syndrome du canal carpien ou la lombalgie, l’AMTA indique qu’une séance de massage plus courte et ciblée sur une partie spécifique du corps peut être plus efficace qu’un massage complet plus long.
Enfin, une étude publiée en 2017 met en évidence chez les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme une hypersensibilité à la stimulation douloureuse et des modalités d’expression atypiques de la douleur [3].
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Références
[1] Algar-Ramírez, M., Úbeda-D’Ocasar, E., et Hervás-Pérez, J. P. (2021). Efficacy of manual lymph drainage and myofascial therapy in patients with fibromyalgia. Der Schmerz [La douleur], 35(5), 349-359. DOI: 10.1007/s00482-020-00520-7
[2] Carruthers, B. M. et Van de Sande, M. I. (2010). Syndrome de fibromyalgie : définition clinique et lignes directrices à l’intention des médecins. Abrégé du Consensus canadien. https://www.psychaanalyse.com/pdf/FIBROMYALGIE_DEFINITION_CLINIQUE_ET_LIGNES_DIRECTRICES_A_L_INTENTION_DES_MEDECINS_34P.pdf
[3] Saravane, D., et Mytych, I. (2017). Douleur et autisme. Douleur et Analgésie, 1-12. https://link.springer.com/article/10.1007/s11724-017-0510-7
Rédaction : Catherine Houtekier, rédactrice agréée et réviseure