Le massage peut apporter de nombreux bienfaits durant la grossesse, jusqu’à l’accouchement et même en période postnatale. Cependant, il existe une certaine controverse en ce qui concerne son bien-fondé et sa sécurité pendant le premier trimestre de grossesse. Quelle est la nature des craintes? Que disent les écrits et les thérapeutes spécialisés d’expérience sur les bienfaits, les précautions à prendre et les contre-indications recensés?
Des craintes formulées
Elaine Stillerman, massothérapeute américaine agréée (LMT) ayant 40 ans d’expérience auprès des femmes enceintes et auteure de l’ouvrage Prenatal Massage : a Textbook of Pregnancy, Labor, and Postpartum Bodywork, résume les craintes des massothérapeutes et déboulonne ce qu’elle appelle des mythes [1].
Certains massothérapeutes refusent de masser pendant le premier trimestre par crainte de provoquer une fausse-couche. Même s’il s’avère que la grande majorité des fausses-couches se produit pendant les deux premiers mois de grossesse, les facteurs de risque en sont nombreux — de l’anomalie chromosomique aux habitudes de vie — et non attribuables aux massages prodigués par des professionnels dûment formés à cette fin.
D’autres craignent les nausées de la cliente, qui constituent une contre-indication. Elaine Stillerman indique que le soin doit alors être prodigué à un moment de la journée exempt de nausées.
D’autres enfin craignent de déloger le placenta en massant l’abdomen. Elle explique que ce massage ne se pratique qu’avec l’autorisation expresse de la cliente, les paumes ouvertes, à l’aide d’un effleurage ou d’une pression légère dans le sens horaire.
Des bienfaits documentés
De façon générale, les bienfaits du massage pendant la grossesse sont nombreux. Un billet de la FQM publié en 2017 les rappelle : soulagement des maux de dos, amélioration de la posture, contribution au sommeil, assouplissement de la peau, facilitation de la respiration, moments de détente et de bien-être. Ce même billet indique que « le massage des femmes enceintes de moins de douze semaines et des femmes enceintes en général ne présente pas de contre-indications particulières ».
Au chapitre des bienfaits, l’American Pregnancy Association liste également la réduction de l’anxiété, la diminution des symptômes de la dépression, le soulagement des douleurs musculaires et articulaires, la réduction de l’œdème, l’amélioration de la circulation, ainsi que d’autres apports plus associés à la fin de la grossesse.
Des études documentent ces bienfaits à divers degrés, mais il est nécessaire de prendre en compte le stade de grossesse des participantes.
Ainsi, une revue systématique publiée en 2021 dans Journal of Clinical Medicine [2] a retenu 12 essais randomisés contrôlés. Les participantes y avaient toutes un minimum de 12 semaines de grossesse. Les résultats recensent les bienfaits suivants : réduction du stress, de la dépression et de l’anxiété, diminution des douleurs au dos et aux jambes, augmentation de la réponse immunitaire, des niveaux de sérotonine et de dopamine, augmentation du poids du fœtus à la naissance et réduction du risque d’accouchement prématuré. Les auteurs concluent à des effets positifs du massage chez les femmes enceintes en bonne santé sans complication, et ce, tout au long de la grossesse.
Les auteurs d’une revue systématique et méta-analyse publiée en 2020 [3] soulignent également, sur la base des huit études retenues, les effets positifs, bien que modérés, du massage sur les symptômes d’anxiété et de dépression chez les femmes enceintes.
Une autre revue systématique et méta-analyse, publiée en 2016 [4] a retenu 10 études pour un total de 1198 femmes enceintes de tous âges et à tous stades de la grossesse. Les résultats concluent à des effets positifs, bien que limités, de la thérapie manuelle — massage, chiropractie et ostéopathie — sur l’intensité de la douleur en contexte de lombalgie ou de douleurs pelviennes.
Une étude observationnelle menée en Australie et publiée en 2019 [5] s’est penchée sur les effets secondaires du massage chez 101 participantes enceintes (trimestre non précisé) ou en période postnatale. Ces massages étaient prodigués par des massothérapeutes dûment formés. Les résultats indiquent des bienfaits significatifs : réduction de la douleur liée à la lombalgie, réduction du stress, augmentation de l’amplitude des mouvements et amélioration du sommeil. Les effets secondaires, notés chez 40 % des participantes, concernaient essentiellement les courbatures et les douleurs musculaires. Les auteures mentionnent que 97 % des participantes ont reçu un massage complet du corps, y compris des pieds, ce qui pourrait contredire le mythe selon lequel le massage des pieds serait nocif pendant la grossesse.
Enfin, une revue de la littérature publiée en 2021 [6] examine les 22 études publiées entre 1980 et 2020 traitant de l’utilisation et des effets du massage pendant la grossesse. L’étude n’aborde pas spécifiquement le premier trimestre, mais les auteures affirment que les données probantes en appui à la pratique du massage pendant la grossesse ont augmenté au cours des 30 dernières années. Elles soulignent son utilité pour les femmes enceintes souffrant d’anxiété, de dépression, ainsi que de douleurs aux jambes et au dos.
Des précautions à prendre
- Avis médical: tous les avis s’accordent, avant de prendre rendez-vous pour un soin de massothérapie, la cliente doit demander l’avis du professionnel de santé qui la suit pour sa grossesse.
- Choix du massothérapeute: le thérapeute doit être dûment formé au massage pour femmes enceintes [1, 2]. La FQM indique que la cliente ne doit pas hésiter à demander à son massothérapeute s’il est qualifié pour donner un massage qui convient à sa condition.
- Position à adopter : couchée sur le côté [1, 2], ou encore assise [2]. Même si, au premier trimestre, l’utérus n’a pas pris beaucoup d’expansion, les tables munies d’une cavité ne sont pas toujours fiables et peuvent exercer une pression sur l’abdomen, ou encore le laisser pendre.
- Manœuvres à éviter: un massage des tissus musculaires profonds des bras, mais surtout des jambes, comporte des risques de thrombose. Des manœuvres de drainage lymphatique sont à privilégier [2]. La FQM parle d’opter pour des techniques adaptées, douces, lentes et d’oublier les techniques et les manœuvres invasives et profondes.
- Massage abdominal: selon la revue systématique de 2021 [2], il est à éviter, car il peut entraîner une rupture placentaire ou utérine. Elaine Stillerman, de son côté, balise la manœuvre (voir Des craintes formulées).
- Aromathérapie : à l’exception d’huiles essentielles diluées, comme celle de lavande à 2 %, aucune huile essentielle concentrée ne doit être appliquée, certaines étant soupçonnées de provoquer des contractions [2].
À noter que le moteur de recherche avancée de la FQM permet de cocher, dans la case Techniques complémentaires, l’option Massage pour femmes enceintes.
Des contre-indications à respecter
Parmi les contre-indications documentées dans les écrits [2, 7] figurent :
- Une grossesse à haut risque
- Une grossesse antérieure arrivée avant terme
- L’hypertension induite par la grossesse
- Une pression artérielle élevée non contrôlée par des médicaments
- Des maux de tête soudains et violents
- Une blessure ou une intervention chirurgicale récente
- La transplantation récente d’un organe
À surveiller
Formation de 21 h, Massage de la femme enceinte, offerte à l’Institut de formation en massothérapie du Québec (IFMQ), par Nancy Lavoie, les 14, 21 et 28 avril 2022, à Montréal.
À lire également
Le massage pendant la grossesse (FQM)
Billets d’Elaine Stillerman (Massage Magazine)
Références
[1] Stillerman, E. (2006). Prenatal massage during the first trimester. Massage Today, 6(1).
[2] Mueller, S. M., et Grunwald, M. (2021). Effects, side effects and contraindications of relaxation massage during pregnancy: a systematic review of randomized controlled trials. Journal of Clinical Medicine, 10(16), 3485. DOI: https://doi.org/10.3390/jcm10163485
[3] Hall, H. G., Cant, R., Munk, N., Carr, B., Tremayne, A., Weller, C., … et Lauche, R. (2020). The effectiveness of massage for reducing pregnant women’s anxiety and depression; systematic review and meta-analysis. Midwifery, 102818. DOI: https://doi.org/10.1016/j.midw.2020.102818
[4] Hall, H., Cramer, H., Sundberg, T., Ward, L., Adams, J., Moore, C., … et Lauche, R. (2016). The effectiveness of complementary manual therapies for pregnancy-related back and pelvic pain: A systematic review with meta-analysis. Medicine, 95(38). DOI: 10.1097/MD.0000000000004723
[5] Fogarty, S., McInerney, C., Stuart, C., et Hay, P. (2019). The side effects and mother or child related physical harm from massage during pregnancy and the postpartum period: an observational study. Complementary therapies in medicine, 42, 89-94. DOI: 10.1016/j.ctim.2018.11.002
[6] Pachtman Shetty, S. L., et Fogarty, S. (2021). Massage During Pregnancy and Postpartum. Clinical obstetrics and gynecology, 64(3), 648-660. DOI : https://doi.org/10.1097/GRF.0000000000000638
[7] Patel, S. (2018, 20 février). Is massage safe during pregnancy? Your Pregnancy Matters. https://utswmed.org/medblog/massage-pregnancy-guidelines/
Rédaction : Catherine Houtekier, rédactrice et réviseure professionnelle