Plus de 500 000 Canadiens sont actuellement atteints d’un trouble neurocognitif. En 2030, on estime que ce nombre s’élèvera à 912 000. Par ailleurs, 1 Canadien sur 5 a déjà pris soin d’une personne atteinte d’un trouble neurocognitif. Dans ce portrait, la maladie d’Alzheimer occupe le premier plan. Quelles en sont les principales caractéristiques? Le massage a-t-il sa place dans les soins apportés aux personnes atteintes? Quelles adaptations mettre en œuvre pour approcher la personne? Janvier est le mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer : une occasion de faire le point sur la question.
La maladie d’Alzheimer sous la loupe
Les aînés représentent 19 % de la population canadienne et cette proportion pourrait augmenter jusqu’à 25 % en 2059. Or, à chaque tranche de 5 ans entre 65 et 84 ans, le risque de recevoir un diagnostic de démence double.
La maladie d’Alzheimer fait partie des maladies neurodégénératives provoquant la démence dont elle constitue la forme la plus courante. Chronique et irréversible, elle détruit les cellules cérébrales, ce qui provoque, avec le temps, une détérioration de la mémoire, du jugement, du raisonnement et de l’aptitude à communiquer, ainsi que des changements de comportement ou d’humeur. Si certains médicaments peuvent aider à en réduire les symptômes, ils ne peuvent malheureusement pas la guérir.
Selon les approches, la maladie comprend un nombre variable de stades qui s’accompagnent de différents changements dans la vie de la personne atteinte ainsi que dans celle de ses proches. La Société Alzheimer du Canada en énonce quatre qui se basent sur l’échelle de détérioration cognitive [1] : léger, modéré, avancé, fin de vie. On doit cependant considérer que la maladie affecte chaque personne différemment, autant sur le plan des symptômes, de l’ordre de leur apparition que de leur durée.
Toujours selon la Société Alzheimer du Canada, le massage fait non seulement partie des conseils pour gérer les émotions et le stress liés à la maladie, mais également des thérapies non pharmacologiques pour aider les personnes atteintes.
Les bienfaits du massage chez les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer : ce qu’en dit la recherche
Une revue systématique de 2017 menée par trois auteurs chinois inclut 11 études pour un total de 526 participants âgés atteints de démence [2]. La force des études ne semble pas suffisante pour généraliser les conclusions. Les résultats montrent cependant une diminution significative, après un massage, des comportements physique et verbal agressifs, mais non significative concernant l’anxiété, la tristesse et la colère.
Onze chercheurs européens publient, en 2017, une revue systématique de revues systématiques sur l’efficacité d’une variété d’interventions non pharmacologiques sur les comportements perturbateurs chez les patients âgés atteints de démence [3]. Ils retiennent 2 revues systématiques concernant la massothérapie. La première révèle une diminution du comportement agité pendant, immédiatement après et une heure après un massage des mains. La deuxième inclut une étude auprès de 52 participants âgés de 90 ans en moyenne. La massothérapie apporte une amélioration significative sur les plans de la déambulation ainsi que des symptômes d’agitation verbale et physique.
En 2019, trois auteurs allemands publient une revue systématique et méta-analyse sur l’efficacité du massage pour les personnes atteintes de démence [4]. Ils retiennent 11 essais randomisés contrôlés pour un total de 825 participants. L’analyse des résultats de 9 de ces études montre une amélioration des symptômes comportementaux et psychologiques grâce au massage. Si son utilisation est encouragée, les auteurs ne peuvent se prononcer ni sur la fréquence, ni sur les techniques à privilégier.
Enfin, en 2020, dans une revue systématique et méta-analyse, trois auteurs chinois comparent l’efficacité de différentes interventions non pharmacologiques dans la gestion de l’agitation chez les personnes atteintes de démence [5]. Ils retiennent 65 essais randomisés contrôlés couvrant 11 interventions non pharmacologiques. Les résultats montrent que la massothérapie, la zoothérapie et l’intervention personnalisée réduisent plus substantiellement l’agitation que d’autres interventions. La massothérapie est donc considérée comme une intervention prometteuse.
Une approche adaptée
En 2004, Le Massager publiait un dossier sur le sujet [6]. Deux massothérapeutes, Martine Boudot et Ghyslaine Foisy, témoignaient de leur expérience. Celle-ci consiste à considérer la personne dans sa globalité ainsi qu’à adapter la communication et le soin non seulement au stade de la maladie, mais aussi à la réalité de la personne. Elles partageaient les conseils suivants :
- Approcher la personne de face pour éviter de la surprendre.
- Parler du massage à venir, car la personne peut ne pas s’en souvenir.
- Demander par quelle partie du corps commencer le soin.
- Personnaliser les techniques ainsi que la durée du soin.
- Utiliser des mouvements doux et lents.
- Rester aux aguets face aux réactions de la personne et s’ajuster en continu.
Dans un billet de l’American Massage Therapy Association (AMTA), Ann Catlin, fondatrice du Centre for Compassionate Touch, mentionne que, même à un stade très avancé de la maladie, les personnes ressentent des émotions et savent reconnaître un toucher attentionné. Un massage permet alors de maintenir une conscience corporelle, d’atténuer les effets de l’isolement tout en procurant une sensation de bien-être. Le ou la thérapeute devra détenir des connaissances de base de la maladie, développer une aisance face à une personne confuse sujette aux changements d’humeur, et faire preuve d’une grande attention. Mais il ou elle devra également exercer une vigilance sur l’effet de ces interactions sur son propre état émotionnel. Ann Catlin préconise l’utilisation de techniques simples pendant de courtes durées, telles que le massage des mains à l’aide d’une pression douce. Elle suggère de terminer en tenant les deux mains de la personne et en partageant un contact visuel.
À noter que, dans le moteur de recherche avancée de la FQM, il est possible de choisir « Massage pour personnes âgées » dans l’option des techniques complémentaires.
À lire également
Massage pour les aînés : confiance et soulagement
Le programme Biblio-Santé, offert par l’Association des bibliothèques publiques du Québec, propose un cahier thématique sur la maladie d’Alzheimer qui répertorie des ressources rigoureusement sélectionnées.
Références
[1] Société Alzheimer du Canada. (2016). Évolution : survol. https://alzheimer.ca/sites/default/files/documents/evolution_survol.pdf
[2] Wu, J., Wang, Y., et Wang, Z. (2017). The effectiveness of massage and touch on behavioural and psychological symptoms of dementia: A quantitative systematic review and meta-analysis. Journal of advanced nursing, 73(10), 2283–2295. https://doi.org/10.1111/jan.13311
[3] Abraha, I., Rimland, J. M., Trotta, F. M., Dell’Aquila, G., Cruz-Jentoft, A., Petrovic, M., Gudmundsson, A., Soiza, R., O’Mahony, D., Guaita, A., et Cherubini, A. (2017). Systematic review of systematic reviews of non-pharmacological interventions to treat behavioural disturbances in older patients with dementia. The SENATOR-OnTop series. BMJ open, 7(3), e012759. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2016-012759
[4] Margenfeld, F., Klocke, C., et Joos, S. (2019). Manual massage for persons living with dementia: A systematic review and meta-analysis. International journal of nursing studies, 96, 132–142. https://doi.org/10.1016/j.ijnurstu.2018.12.012
[5] Leng, M., Zhao, Y., et Wang, Z. (2020). Comparative efficacy of non-pharmacological interventions on agitation in people with dementia: A systematic review and Bayesian network meta-analysis. International journal of nursing studies, 102, 103489. https://doi.org/10.1016/j.ijnurstu.2019.103489
[6] Fédération des massothérapeutes du Québec. (2004). Le Massager, 21(3).
Rédaction : Catherine Houtekier, rédactrice agréée et réviseure