Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Masser une personne diabétique

Dossiers

Vous voulez de tout cœur offrir le meilleur massage possible à la personne diabétique qui se présente à vous. Mais que savez-vous d’elle, de ses besoins, de ses malaises, de ses fragilités ? Les symptômes associés à la maladie varient d’une personne à l’autre, d’un jour ou d’une demi-journée à l’autre lorsque le diabète n’est pas contrôlé. Il faudra donc tenir compte des variations possibles, de ce taux de sucre que le massage comme les médicaments ou l’alimentation peuvent influencer. Les malaises et complications chroniques associés au diabète peuvent aussi demander des précautions ou des contre-indications locales ou générales.

Si jamais vous en avez douté, vous constaterez combien un questionnaire-santé mené avec minutie est un outil précieux. « Beaucoup de massothérapeutes ne sont pas conscients des risques qu’ils prennent en ne s’informant pas de l’histoire de cas du client, surtout en ce qui concerne les conditions cardiovasculaires » disent nos collègues américains de l’AMTA qui vont plus loin encore : ils demandent au client diabétique de fournir une autorisation du médecin traitant, en particulier à cause de la présence éventuelle de ces complications vasculaires. (1)

LES EFFETS DU MASSAGE

Le massage pourrait abaisser de façon significative le taux de sucre dans le sang des diabétiques (2), (3). Dans certains cas, il pourrait même entraîner une hypoglycémie. Toutefois, les études ne décrivent pas en détail les manœuvres ni, surtout, leur rythme et leur dosage. S’il s’agit d’un massage rapide, dans le style d’un massage sportif de préparation à l’effort, il se pourrait que ses effets s’apparentent à ceux de l’exercice physique. Mais de nombreuses contre-indications peuvent s’opposer à un tel massage. Et au moins une précaution s’impose : la personne devra en tenir compte dans le dosage de son insuline ou de ses médicaments antidiabétiques. Nos collègues recommandent donc que la personne prenne sa glycémie avant et après le massage, du moins lors des deux ou trois premières sessions.

Un massage plus lent, qui induit une détente profonde, agit sur la production des hormones de stress. La relaxation entraîne une diminution de ces hormones et, par suite, de la glycémie. Elle aurait aussi un effet bénéfique sur la sensation de satiété et la modération de l’appétit (4), ce qui peut aider la personne diabétique à mieux vivre avec ses nouveaux choix alimentaires.

Il est cependant difficile de déterminer le rôle précis du massage dans la diminution du glucose sanguin, car plusieurs facteurs peuvent l’influencer et tous ne sont pas mesurables (5). Plus important encore, cela ne signifie pas que la massothérapie ait un rôle curatif sur le diabète.

QUESTIONNAIRE-SANTÉ ? MASSAGE ADAPTÉ !

Un taux élevé de sucre dans le sang altère les tissus ainsi que diverses fonctions du corps et peut entraîner, à la longue, des complications sévères.

LES OBJECTIFS DU QUESTIONNAIRE-SANTÉ

  • rechercher les malaises qui commandent précautions et contre-indications au massage;
  • en approche énergétique, vérifier les systèmes qui pourraient être en déséquilibre; 
  • s’assurer que la personne est bien suivie par une équipe médicale; 
  • la soutenir dans sa démarche de prise en charge de sa vie.

Dans le questionnaire santé, vous demandez déjà à la personne-cliente si elle souffre d’hypoglycémie ou de diabète. Marc Aras, de Diabète Québec, suggère d’interroger la personne diabétique sur son suivi médical : quand a-t-elle reçu son diagnostic ? Voit-elle régulièrement son médecin traitant depuis ? Consulte-t-elle régulièrement son ophtalmologiste ? Un diabétique qui a un bon suivi médical et qui mesure régulièrement sa glycémie pourra répondre à vos questions spécifiques sur d’éventuelles complications dont il pourrait souffrir. Si le diagnostic est posé depuis longtemps et que votre personne-cliente n’a pas de suivi médical régulier, vous pourrez soupçonner la présence de complications « silencieuses », dont l’hypertension artérielle, la rétinopathie, etc. Trop de prudence vaut mieux que pas assez. Aussi, il vous est conseillé d’en tenir compte pour les positions sur la table tout autant que pour le choix des manœuvres.

LES QUESTIONS SPÉCIFIQUES

Le diabète

  • Son taux de sucre est-il relativement stable ? La personne a-t-elle tendance à faire des épisodes d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie ?
  • Quels malaises ressent-elle alors? Que fait-elle pour corriger sa glycémie ?
  • A-t-elle mangé avant le massage ? (Surtout si celui-ci retarde l’heure habituelle du repas) ?
  • Doit-elle s’injecter de l’insuline ? A-t-elle tenu compte du massage dans son calcul ? Doit-elle parfois avoir recours à des comprimés de glucose ou au Glucagon et dans ce cas a-t-elle sa trousse d’urgence avec elle ? Ou a-t-elle prévu un fruit, un jus, des bonbons en cas d’hypoglycémie ?

Le système cardio-vasculaire

  • La personne fait-elle de l’hypertension artérielle (haute pression) ? Est considérée comme élevée une tension égale ou supérieure à 140 / 90; chez le diabétique, elle est considérée élevée à 130/80. La plupart des diabétiques prennent régulièrement leur T.A., tout comme leur glycémie. Si la T.A. est élevée, il vaudrait mieux éviter les manœuvres rapides qui stimulent trop la circulation. Bien que les huiles essentielles de menthe, de camphre aient possiblement (?) la propriété de stimuler la fonction pancréatique (6), à forte dose elles peuvent aussi faire grimper la tension. Préférez-leur les huiles de romarin, de géranium, de citron ou de genièvre.
  • Est-elle sujette aux chutes de pression ? A-t-elle des étourdissements ou des vertiges lors des changements de position ? Pour prévenir les effets pervers de l’hypotension orthostatique, celle qui cause ces étourdissements, vous pouvez surélever le haut de la table si votre équipement le permet, ou soulever le buste et la tête de la personne (un angle de 25 à 40° selon son confort) à l’aide de coussins larges lorsqu’elle est étendue sur le dos. Il se peut que la position latérale lui convienne mieux que la position ventrale pour le massage du dos.

Après le massage, demandez-lui de faire une pause en position assise avant de se lever. Couvrez-la afin qu’elle se sente à l’aise. En cas d’étourdissement, demandez-lui de prendre conscience de ses points d’appui; si cela ne suffit pas, dites-lui de fixer un à un, 2 ou 3 secondes, chacun des objets de la pièce en les nommant. C’est un truc qui fonctionne bien dans la plupart des cas. Quelques gorgées d’eau prises lentement ont aussi le même effet. Ne quittez pas la pièce avant qu’elle soit debout et solide sur ses pieds.

  • Ressent-elle des douleurs au mollet ? Boite-telle ?

Bien que plusieurs causes soient en jeu et que le diagnostic ne nous appartienne pas, il faut savoir que ces symptômes peuvent signer une artérite diabétique ou un blocage plus ou moins important de la circulation sanguine. Il faut alors l’inviter à consulter son médecin pour obtenir un diagnostic et s’assurer avec lui qu’il n’y a pas de contre-indication au massage, local ou général. De plus, un taux élevé de cholestérol et de triglycérides dans le sang va souvent de pair avec le diabète. Le cholestérol a tendance à se déposer sur les parois des vaisseaux sanguins, qu’il épaissit et durcit, ralentissant la circulation : des caillots peuvent alors se former ou des plaques se détacher. Certains diabétiques peuvent souffrir de tachycardie (rythme cardiaque trop rapide) ou d’arythmie.

En l’absence de contre-indication, un massage d’appel, doux et superficiel pourra aider à la circulation. Contrairement à la séquence habituelle, ce massage débute à la partie proximale du membre : cuisse, puis jambe et cuisse, enfin pied et jambe, chaque partie reliée aux précédentes par des manœuvres d’effleurage et de drainage. Il vaudrait mieux privilégier un massage doux et lent et éviter les manœuvres brusques, comme les percussions. Le massage d’appel peut aussi s’appliquer au membre supérieur.

Le système nerveux

  • La personne souffre-t-elle de neuropathie ou de manque de sensation dans les pieds, les jambes et les mains ? Ressent-elle une diminution de la sensibilité à la douleur, à la chaleur et au froid (aux pieds ou aux mains), des sensations de picotement ou de brûlure survenant plutôt la nuit ?

Il peut s’agir d’une neuropathie ou atteinte nerveuse des extrémités, à confirmer par le médecin. La neuropathie peut commencer au niveau de l’os, qui devient fragile, et se poursuivre jusqu’à la peau. Veillez à doser finement les pressions, d’autant que la personne peut ne pas en ressentir l’intensité.

  • La personne a-t-elle mal au ventre ? Une atteinte des nerfs de l’estomac ou de l’intestin ralentit la vidange de l’estomac et l’évacuation des selles, provoquant un ballonnement qui peut rendre inconfortable la position ventrale. Le massage de l’abdomen fait avec délicatesse pourra aider au transit intestinal. Enseignez-le à la personne, de même que la respiration abdominale, afin qu’elle puisse les pratiquer quotidiennement à la maison.

La peau

La personne a-t-elle des plaies ou des problèmes de peau quelque part ?

  • Les plaies des diabétiques sont souvent longues à guérir et peuvent être sujettes à infection. On les évitera durant le massage.
  • D’autre part, des mycoses (champignons moisissures, levures) peuvent se développer. La plus connue et la plus fréquente touche les ongles, en particuliers ceux du gros et du petit orteil (onychomycose : l’ongle épaissi devient jaune ou brun; sous une autre forme, au contraire, il devient mou, poudreux et blanc. L’huile essentielle de melaleuca, appliquée pure sur la région atteinte agit comme antifongique. (7)

Attention ! Une forme de mycose, beaucoup plus sérieuse et surtout contagieuse, peut se développer dans les endroits humides du corps : l’intérieur de l’aine, le creux axillaire, sous les seins. (8) Elle apparaît surtout chez les personnes âgées ou les diabétiques de longue date. Ces mycoses constituent une contre-indication locale au massage. Les lésions, rosâtres et humides, ont tendance à suinter: il vaut donc mieux ne pas trop s’en approcher lors des manœuvres. En milieu hospitalier, certains soignants les saupoudrent de talc, lors de la toilette. Ici encore, une bonne dose d’huile essentielle de melaleuca alternifolia dans l’huile de massage pourrait protéger les tissus environnants et… vos mains !

Les yeux

Installation et bien-être de la personne : en présence de tout problème oculaire, il est en général recommandé d’éviter tout ce qui peut augmenter l’afflux sanguin à la tête, comme d’avoir la tête penchée ou face vers le sol, sur table ou sur chaise. Préférez la position latérale.

En présence d’une rétinopathie sévère, même sur le dos, la position semi-inclinée est préférable.

OBSERVATION

Les pieds

Du fait des problèmes circulatoires, de la perte de sensibilité et des plaies qui guérissent mal, les pieds des personnes diabétiques demandent une surveillance particulière. Les personnes plus âgées, enraidies par les maux de dos ou de hanche, ont souvent peine à joindre leurs pieds. Le massothérapeute est aux premières lignes pour faire ces observations. Recherchez :

  • tout changement de la peau : rougeur inhabituelle, chaleur localisée;
  • un œdème des pieds ou des chevilles;
  • des plaies ouvertes, des callosités qui saignent (crevasses, souvent au talon ou à la base du gros orteil);
  • des verrues plantaires, des lésions entre les orteils.

Invitez s’il y a lieu la personne à consulter une infirmière ou tout autre spécialiste en soins des pieds.

Une plaie sévère, qui peut s’ulcérer jusqu’à l’os, peut se développer sur un point de pression sous le pied : le mal perforant plantaire. Cette porte d’entrée aux infections peut mener à la gangrène et à l’amputation. En sa présence, adressez rapidement la personne à son médecin traitant.

Massage

Le sucre en surabondance circulant dans le sang altère le tissu conjonctif : les muscles et tendons s’enraidissent et s’affaiblissent. Les mobilisations articulaires et les étirements se feront donc en douceur, progressivement et dans le respect de leur élasticité.

Notre collègue Hélène Paquin (9) recommande aussi d’être particulièrement attentif dans le travail du cou, afin de ne pas trop augmenter la pression sanguine dans les vaisseaux de la tête et de l’œil.

Dans les neuropathies périphériques, les pieds et les mains peuvent être ou insensibles ou très sensibles à la pression : utilisez les pressions pleine paume, plutôt que des pressions du doigt sur des points précis, des frictions ou des pétrissages profonds. Tenez compte d’une possible fragilité osseuse. Évitez les percussions. (10)

La condition physique des diabétiques varie beaucoup d’une personne à l’autre, de même que leur corpulence et leur masse musculaire. Certaines sont malgré tout très en forme. Le massage en tiendra compte, de même que des réponses au questionnaire-santé, mais, règle générale, privilégiez les manœuvres moins profondes et plus lentes.

La massothérapie s’inscrit dans une approche globale et pluridisciplinaire, incluant pour la personne des contrôles quotidiens de sa glycémie, la modification de ses habitudes de vie (alimentation, exercice), la prise régulière de médicaments dans plusieurs cas, le tout sous contrôle médical. En unifiant la personne, en lui permettant de reprendre contact avec les sensations agréables de son corps tout comme avec ses malaises, le massage peut soutenir sa motivation et l’aider à mieux gérer son quotidien.

Les situations d’urgence (11)

Que faire si une de ces situations se présente en cours de massage ? Comme dans toute situation d’urgence, interrompez d’abord le massage. (12) 

Hyperglycémie

Chez les personnes qui doivent s’injecter de l’insuline (acidose diabétique), elle se caractérise par une hyperglycémie et une accumulation de cétones dans le sang : la personne ressent une soif intense, une grande fatigue, des douleurs abdominales pouvant aller jusqu’à la nausée. Sa respiration devient profonde et rapide. Son haleine est fruitée, un peu comme une pomme très mûre. Un état de confusion peut s’installer et même le coma. Elle survient surtout chez les diabétiques de type 1 traités à l’insuline.

Si le cas se présente, contactez un médecin ou amenez la personne à l’urgence.

Chez les diabétiques de type 2, (on parle d’état hyperosmolaire) l’hyperglycémie accompagne souvent une déshydratation importante. Elle survient suite à l’oubli de médicaments antidiabé- tiques. Les personnes qui ne ressentent pas la soif (les personnes âgées, par exemple) ou en perte d’autonomie qui ne peuvent s’hydrater elles-mêmes y sont plus sujettes. Outre la soif intense, des mictions (action d’uriner) fréquentes et abondantes la caractérisent.

Faites boire la personne et incitez-la à le faire régulièrement : 250 ml toutes les heures. Dans certains cas, la personne devrait être dirigée vers l’hôpital.

Hypoglycémie

Elle survient surtout chez les personnes qui prennent de l’insuline, des médicaments qui stimulent sa production, qui sautent repas ou collation. Les symptômes varient mais peuvent inclure : tremblements, palpitations, sueurs, anxiété, pâleur, faim urgente, agressivité, étourdissement, vision embrouillée, difficulté à prononcer, démarche chancelante, confusion.

Évitez de surtraiter son hypoglycémie. Faites-lui prendre un aliment qui fournit 15 grammes de glucide (comprimé de glucose ou ½ tasse de boisson gazeuse ou de jus de fruit, ou 3 c. à thé de miel, ou une petite pomme, ou deux dattes, 5 ou 6 bonbons Life Savers, etc.). Répétez au besoin après 15 minutes. S’il y a perte de conscience, il faut appeler une ambulance.

 

PAR MICHÈLE GUÉRIN – LE MASSAGER AOÛT 2007

 

NOTES

1 Weidner, Robin. «Uncovering the Hidden Risks in your Practice ». Massage Therapy Journal. Wi 2006 Vol. 44.4 p. 47. Trad. Libre.
2 Field, T., Hernandez-Reif, M., LaGreca A., Shaw, K., Schanberg, S., & Kuhn, C. (1997). « Massage therapy lowers blood glucose levels in children with Diabetes Mellitus ». Diabetes Spectrum 10, 237-239.
3 Rose, Mary Kathleen. «Therapeutic Massage and Diabetes ». Massage Therapy Journal, hiver 2002.
4 Gentils, Dr René. Les diabètes. Éditions Mango Pratique, coll. Équilibre et santé. Fr. 2002.
5 Rose, M.K. Op. cit. www.cma.ca/index.cfm/ci_id/26974/la_id/2.htm
6 Gentils, Dr René. Op. cit.
7 Mantha, Marie-Michèle. Prévention et santé, une approche intégrée : Onychomycose. Réseau Protéus, 2004-20-11.
8 Gentils, Dr René. Op. cit.
9 Paquin, Hélène. « Le diabète et la massothérapie ». Dossier Diabète. Le Massager, mai 1996.
10 Rose, M.K. Op. cit.
11 Chiasson, J.L., Desrochers F., Gauthier L. et al. (Unité de jour de diabète de l’Hôtel-Dieu du CHUM). Connaître son diabète… pour mieux vivre ! Rogers Media, Montréal, 2004.
12 Pagé, Daniel. « Les premiers secours : diabète, hypoglycémie, asthme ». Le Massager, février 2007, p. 31.

 

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